Une paire d’implants formant un pont numérique entre le cerveau et la moelle épinière a permis à un patient “pilote d’essai” de mieux se tenir debout et de marcher à nouveau, promettant une innovation qui pourrait un jour transformer la vie des personnes atteintes de paralysie.
Menée par des chercheurs de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), l’enquête a impliqué un homme de 40 ans nommé Gert-Jan, qui avait été paralysé par un accident de vélo il y a plus de dix ans.
Gert-Jan avait déjà retrouvé une certaine capacité à marcher à l’aide d’un déambulateur à roues avant. Pendant les trois années précédant l’inscription au dernier test, il avait atteint un “plateau de récupération neurologique”.
L’un des implants testés sur Gert-Jan était placé au-dessus de son cerveau, décodant les signaux électriques qui déclenchaient le mouvement. Il communiquait avec un autre implant relié à la partie de la moelle épinière chargée de déclencher le mouvement dans ses jambes. Ensemble, ils sont capables de contourner la section blessée de sa moelle épinière cervicale, rétablissant sans fil le lien entre son cerveau et son corps.
Les implants semblaient non seulement restaurer une partie de la connectivité endommagée dans le système nerveux central de Gert-Jan au fur et à mesure qu’ils étaient utilisés : après un an de travail avec les implants et de traitement physique, sa capacité à marcher s’était améliorée au point qu’il pouvait marcher avec des béquilles même lorsque les appareils étaient éteints.
C’est bon signe au moins certains de ses neurones se sont réorganisés pour rétablir la communication, selon les chercheurs.
“Nous avons créé une interface sans fil entre le cerveau et la moelle épinière à l’aide de la technologie d’interface cerveau-ordinateur (BCI) qui transforme la pensée en action”, explique Grégoire Courtine, neuroscientifique à l’EPFL.
La mise en place des implants de bridge numérique. (Lorach et al., Nature, 2023)
Au cours de 12 mois, il a été démontré que les implants de pont numérique aidaient Gert-Jan à marcher et à se tenir debout plus naturellement, sans les capteurs de mouvement portables supplémentaires utilisés dans les technologies précédemment testées pour détecter et stimuler les mouvements. De plus, l’interface cerveau-colonne vertébrale (BSI) introduite dans cet essai signifiait qu’il pouvait monter des escaliers et traverser des terrains variés (comme des rampes abruptes, par exemple) – des défis qu’il ne pouvait pas gérer auparavant.
La clé du système est une série d’algorithmes d’intelligence artificielle capables de s’adapter et d’apprendre avec les invites de l’utilisateur. Le patient doit former le modèle afin qu’il puisse décoder quelles pensées cérébrales correspondent à quels mouvements, un processus qui prend un temps étonnamment court.
“Le patient doit d’abord apprendre à travailler avec ses signaux cérébraux, et nous devons aussi apprendre à corréler ces signaux cérébraux à la stimulation de la moelle épinière”, explique Jocelyne Bloch, neurochirurgienne à l’EPFL. “C’est assez court : en quelques séances, tout s’enchaîne.”
Bien que ce type de système ne fonctionne pas pour tous les types de lésions de la moelle épinière et n’ait été testé que sur une seule personne, il existe ici un énorme potentiel d’utilisation de la technologie et de l’IA pour combler les lacunes du système nerveux causées par une blessure.
Pour Gert-Jan, les progrès ont parfois été lents, mais sa qualité de vie a été considérablement améliorée par les implants qu’il a utilisés à la maison. Par exemple, il peut maintenant se tenir debout dans un bar pour déguster une bière avec des amis – quelque chose d’apparemment petit que la plupart d’entre nous tenons pour acquis, mais qui signifie beaucoup pour Gert-Jan et son rétablissement.
“Ce simple plaisir représente un changement significatif dans ma vie”, dit-il.
La recherche a été publiée dans Nature.